08 Août 2015 – Dernier jour au pied du glacier

Réveil à 4h, heure pingouin. Je me lève pour ma dernière garde au Svalbard. Cette fois, l’heure pingouin correspond à peu près à l’heure réelle. 4h. C’est d’autant plus tôt que je n’ai pas très bien dormi avant. 

Je prends mon poste. Malgré la fatigue, je suis bien décidée à profiter au maximum de ce dernier moment de contemplation et de sérénité. Et ces deux heures vont passer vite, très vite.

Tandis que tout le monde dort et que le camp est paisible…

… je profite une dernière fois des montagnes…

Tout cela sur fond de silence, à peine perturbé par les cris des oiseaux…

Le labbe fait une petite apparition, comme chaque jour depuis que nous sommes arrivés ici.

Tout à coup, les sternes d’affolent. Une silhouette apparaît au milieu des rochers et s’approche du camp. Un renard.

Le voici qui furète et qui vadrouille un peu partout dans le camp, reniflant le sol dans tous les sens. Au grand dam des sternes, il se poste face à la mer, à quelques mètres de leur petit. Panique dans les airs. Le renard se fait attaquer en bonne et due forme.

Chassé à coups de becs, le voici qui s’éloigne du camp pour retourner dans les collines avoisinantes.

Et moi de continuer ma garde. Une sterne vient se poser sur le piquet du monticule en haut duquel je monte pour scruter les alentours. Faisant à peine attention à moi, elle commence à faire sa toilette. Je reste un bon moment à l’observer.

Je redescends du monticule. Une tisane, un gâteau. De quoi me réchauffer et rendre encore plus agréable ma garde. Je profite tranquillement du paysage quand je vois revenir notre ami le renard…

… qui cette fois n’est pas seul. Le revoici accompagné de son compère.

A nouveau, ils scrutent le sol, reniflent, cherchent. A nouveau ils s’approchent du rivage et se font attaquer par les sternes. Du coin de l’œil, je les observe fureter dans tous les sens, restant vigilante et prête à intervenir dès qu’ils rôderont un peu trop près du poussin. Quelques minutes plus tard, ils repartent. Au bord de la mer, le petit des sternes est toujours là, camouflé dans le sable et les pierres. La nuit est agitée pour lui…

Ma garde se termine. Ces 2h ont passé à une vitesse folle. J’en ai profité jusqu’au bout. Je cède ma place tout en prévenant mon remplaçant de la visite des renards.

Et je m’endors des images plein la tête…

… et je dors encore bien lorsque tout le monde se regroupe dans la tente messe pour le petit déjeuner. J’entends des voix au loin quand je commence à sortir de mon sommeil…. Et une voix qui se rapproche…. « Room service ! » Et voici qu’une planche en bois est déposée devant ma tente. Thé chaud, tartine de confiture et de miel, salade de fruit et brownie. Un petit bonheur au bout du monde !

Je prends mon plateau et rejoins le groupe pour déjeuner avec eux. Alors que je traverse le camp, les sternes sont bizarrement calmes. Je ne subis aucune attaque lorsque je passe. Je comprends vite la raison lorsque j’arrive dans la tente : le poussin a disparu. Aucune trace de lui sur la plage. Envolé l’oisillon. A moins que les renards n’aient eu raison de lui ? Pourtant, mon successeur n’a pas vu les renards pendant son tour de garde…  Et je suis certaine de l’avoir vu en vie lorsque que je suis partie. Voici une bien étrange disparition… Nous jetons un dernier coup d’œil au lac qui est à côté du camp. Qui sait ? L’oisillon aurait-il changé de territoire ? Mais les sternes restent calmes, où que l’on aille. Il faut se rendre à l’évidence. Pouic-Pouic, du petit nom que nous lui avons donné, ne reviendra pas. Triste fin.

Ce soir, nous quitterons le camp pour rentrer à Longyearbyen. Mais avant, nous allons faire une dernière randonnée dans la toundra, sous le ciel bleu qui a refait son apparition.

Un peu plus loin, dernière rencontre avec les rennes.

Derniers stratagèmes pour les approcher.

Nous arrivons en haut d’une cascade. Surprise nichée au creux des montagnes. Nous décidons de déjeuner ici pour en profiter. Puis nous descendons et allons jusqu’au pied de la cascade. Nous traversons tant bien que mal la rivière qui s’en échappe et remontons dans les éboulis.

Dernier point de vue sur les montagnes marron sur fond de mer.

Dernière photo des rares plantes qui arrivent à survivre dans la région.

Et retour au camp où nous rangeons nos affaires. Sacs de couchage, tapis de sol et tentes sont empaquetés et les sacs regroupés sur la plage. Seule la tente messe reste en place, prête à accueillir un nouveau groupe après notre départ. Nous nous y regroupons en attendant le bateau qui doit venir nous chercher. Il n’arrivera pas avant 22h, ce qui nous laisse largement le temps de faire quelques parties de cartes.

Puis le bateau arrive en vue et approche de la côte.

Nous enfilons nos bottes et nous regroupons sur la plage. Nous devons d’abord attendre que d’autres rotations soient faites avec d’autres groupes qui campaient dans les parages avant que ce ne soit notre tour. Nous observons les allers-retours du zodiac… et écoutons les échanges qui s’échappent du talky-walky de notre guide. C’est un certain Martin qui coordonne les rotations et la tâche a l’air ardue… Les dialogues sont une succession d’incompréhensions et d’incohérences. C’est parfois lunaire et cela nous fait bien rire. L’ami Martin semble bien perdu et embrouille tout le monde…

Tant bien que mal, les rotations s’enchaînent et c’est maintenant notre tour. Le zodiac arrive sur notre plage et dépose d’abord un nouveau groupe. Tout frais, tout propre ! Nous les aidons à décharger leurs sacs et nous chargeons les nôtres. Tout le monde monte à bord et nous partons en direction du bateau. Là, nous sommes accueillis par le fameux Martin… Tout jeune stagiaire logistique, ce qui explique son état de stress. Et les malheurs de Martin ne sont (hélas) pas terminés !

Nous montons sur le bateau et chargeons nos sacs que nous entreposons dans une pièce du bateau. Martin nous demande alors de monter sur le pont et d’y attendre la fin des rotations. Là, deux gros chiens attendent aussi. Eux vont débarquer avec une famille norvégienne, dans un camp situé un peu plus loin. Martin vient chercher les chiens pour les amener sur le zodiac et se retrouve lui aussi dans l’embarcation. Le zodiac s’éloigne et emmène tout le monde. Stupeur (peur ?) dans le regard de notre stagiaire. Pas de panique Martin, tu ne vas faire que l’aller-retour.

Le voici de retour sur le bateau et aux manettes. Il nous demande alors de rentrer à l’intérieur pour manger des hot-dogs. Là, deux groupes sont déjà installés, il ne reste que peu de places pour nous, éparpillées à droite à gauche. Pour cette dernière traversée, nous préférons rester ensemble. Nous débarrassons une table et nous serrons tout autour. Martin commence alors la distribution de hot-dogs. Deux par personne. Tout d’abord le pain. Puis une première saucisse… puis une deuxième… Sauf qu’à ce moment, Martin s’aperçoit qu’il n’y en a pas assez pour tout le monde… Grand moment de solitude…Il part donc faire le tour des tables pour récupérer quelques morceaux à droite à gauche et faire en sorte que chacun ait un deuxième morceau de saucisse… C’est un peu juste donc nous fouillons dans nos sacs pour sortir tout ce qu’il nous reste à grignoter. Et sautons sur le dessert : une pomme. Comme c’est bon de manger un fruit ! Je crois que pour moi, c’est le premier depuis un mois et mon arrivée aux Lofoten !

Il fait horriblement chaud à l’intérieur de la pièce. Je sors et passe le reste du voyage dehors, à l’avant du bateau. Assise sur une marche, le vent qui souffle et le soleil qui réchauffe mon visage, je regarde les montagnes s’éloigner. Il est 1h du matin mais pour moi, il n’y a plus d’heure. Le jour permanent a eu raison de moi. Je suis complètement désorientée et j’ai perdu tous mes repères. Il ne me reste plus qu’à  me laisse porter.

Le voyage au bout du monde touche à sa fin…

Nous approchons de Longyearbyen. Je retourne à l’intérieur pour écouter le dernier brief de Martin. Bon, ça se mélange toujours autant dans sa tête et au final, on ne comprend pas où on va dormir ce soir. Il a eu des infos mais ne sait plus trop, nous changeons de lieux toutes les 5 minutes. Je ne comprends pas bien non plus si le sac que j’ai laissé en ville est toujours à la guesthouse ou s’il a été déplacé dans un autre lieu… Ce désordre qui nous a fait rire au début commence quand même à devenir agaçant…

Nous accostons. Personne ne sait trop ce qu’il faut faire… Allez hop ! Nous déchargeons les sacs en faisant une « grande chaine humaine » comme dit Martin. Je sors les sacs un par un de chaque salle, aidée par une kayakeuse d’un autre groupe qui disparaît dès lors que son sac est sorti. Je termine seule, aidée d’un marin philippin qui me voit parfois peiner à porter les gros sacs.

Nous montons ensuite dans un mini-bus pour nous rendre à la guesthouse. Le séjour se terminera là où il a commencé. Quant aux sacs que nous avons laissés… Et bien, ils n’ont pas bougé et sont toujours entreposés dans le débarras de la guesthouse. Je récupère mon sac et monte dans la chambre. Tout le monde va prendre une douche… pas moi. Je ne suis pas à une journée près. D’autant plus que nous devons mettre le réveil à 9h.

La fatigue nous gagne. Il est 4h, heure normale, le pingouin est resté dans sa pampa. Nous tirons les rideaux.

Photos de la journée

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