Premier réflexe ce matin : je regarde dehors. Le ciel est couvert et il y a du brouillard sur les sommets. Mais ça peut se lever. Donc nous pouvons tenter l’ascension du Glittertind !
Je commence par vider mon sac pour ne garder que ce qui est indispensable pour la journée. A manger, à boire, la pharmacie…
Nous nous rejoignons tous en bas, à l’entrée du refuge. Sissel distribue les crampons pour ceux qui voudraient aller au bout du bout du Glittertind. Il n’est pas certain que ce soit possible, la glace recouvrant le sommet. Il faudra aviser sur place. Je ne prends pas de crampons. Je ne suis pas sûre de vouloir m’aventurer sur la glace.
J’hésite à mettre mon pantalon de pluie… Jusqu’à ce que quelques gouttes commencent à voler. Je rajoute aussi un pull : l’air est assez frais aujourd’hui.
Une partie du groupe décide de ne pas venir. Non seulement leurs genoux ont souffert mais la rincée d’hier leur a suffi. Les premières gouttes en découragent donc certains. Pour les autres, c’est parti !
Nous nous mettons en route. La montée se fait assez facilement, on dirait que j’ai bien pris le rythme norvégien. Au début, le chemin de terre serpente dans l’herbe. Mais celle-ci disparaît rapidement pour laisser place aux rochers. Ça devient chaotique. Et de nouveau pénible pour les articulations. Certains passages sont vraiment difficiles car il faut vraiment enjamber de gros rochers.
Heureusement, le pente est douce. Je reste vigilante et je prends mon temps. J’en profite aussi pour jeter un coup d’œil aux montagnes derrière moi.
La météo semble se maintenir. Il fait toujours gris mais il ne pleut pas et les sommets semblent se dégager…
Par contre, on aperçoit une fine couche de poudreuse sur le chemin qui mène au sommet. Une neige toute fraîche tombée cette nuit. C’est beau mais pour marcher dans les rochers, je m’en serais bien passé. Nous arrivons sur la crête : c’est la dernière ligne droite. A ce moment, le temps se dégage un peu. Nous pouvons admirer la beauté des montagnes qui nous entourent et la vallée un peu plus bas.
De l’autre coté, les glaciers, aux couleurs rose et bleu.
Une partie du groupe est assez loin devant nous. Sissel se hâte pour les rejoindre, nous la suivons. Le temps étant quand même incertain, elle n’était pas pour aller jusqu’au sommet. Et rapidement, alors que nous continuons sur la crête, le temps change brusquement.
Le vent se lève et souffle très fort alors que le brouillard commence à nous entourer. Terminé les glaciers, nous ne voyons plus rien.
Mais Sissel continue quand même pour ne pas laisser ceux qui sont devant seuls. Nous la suivons toujours. Ce n’est pas très agréable dans ces conditions, j’ai plutôt envie de m’arrêter ici et d’attendre. Mais impossible avec ce brouillard, il faut rester groupé.
J’ai les yeux rivés sur le sol pour bien voir là où je mets les pieds. Je relève la tête et, à ce moment, je vois Sissel par terre. Elle est tombée. Elle se retourne et s’assied sur un rocher. Elle a l’air bien sonné. Et là, je vois un filet de sang sortir de son bonnet : elle s’est ouvert le front et l’arcade sourcilière. Ça dégouline, c’est impressionnant. Nous sommes quelques unes à venir près d’elle et à l’aider. Nous compressons la plaie avec des mouchoirs en papier pour essayer d’arrêter le sang de couler. Carine arrive avec la trousse de secours du groupe et chercher partout des steri-strips. Elle a du mal à les trouver, nous demande si nous en avons. Non… J’ai des compresses, des pansements mais pas de steri-strips… Voilà, je sais maintenant ce qu’il me manque dans ma trousse à pharmacie… Carine finit par les trouver et Kari les pose sur le front de Sissel. Avec le vent qui souffle, ce n’est pas évident. Et pour couronner le tout , il commence à pleuvoir… Pluie qui se transforme rapidement en neige ! Tout le monde commence à avoir vraiment froid. Carine nous dit de redescendre en restant bien tous ensemble : le brouillard est épais, on a du mal à voir les cairns. Carine et Kari restent avec Sissel qui est toujours sonnée. Et il faut aussi récupérer ceux qui ont voulu aller jusqu’au bout… Inconscience…
Nous descendons dans le blizzard. C’est un peu l’enfer quand même. Nous suivons la crête, à la recherche des cairns. Nous sommes partagés entre marcher d’un bon pas pour être en bas le plus vite possible et ne plus avoir froid, ou au contraire ralentir pour prendre le temps de repérer les cairns… Il faut bien qu’on tourne à un moment donné… Je m’arrête, je regarde autour de moi et j’aperçois un cairn à droite. C’est là. Après, c’est simple : il suffit d’aller tout droit. Nous descendons à la queue leu-leu, en essayant tous de rester dans notre champ de vision. La descente est fastidieuse dans ces rochers ! Rien ne sera facile aujourd’hui…
Un peu plus bas, le brouillard se dissipe, le vent se calme, la neige se transforme en pluie et finit par cesser. Nous en profitons pour nous poser quelques minutes pour manger un morceau : nous n’avons pas encore mangé et on commence vraiment à avoir faim. Et ce n’est pas le moment de flancher ! Nous repartons rapidement car nous nous refroidissons. La vallée apparaît enfin devant nous.
Incroyable : d’ici, on n’imagine pas le temps qu’il fait en haut. Un peu plus à droite, les montagnes s’élèvent, majestueuses au bord du lac.
Noires, si noires… Les ténèbres…
Nous arrivons au refuge. Nous croisons Julia et Brita qui reviennent d’une promenade autour du lac. Nous leur racontons nos aventures au sommet, la blessure de Sissel. Nous entrons dans le refuge, nous nous asseyons autour de la table. Tout le monde grignote, moi j’ai hâte de prendre une douche bien chaude. Mais il faut attendre 16h.
Sissel arrive avec le reste du groupe. Elle a l’arcade sourcilière très gonflé au point qu’elle ne peut plus ouvrir l’œil. Louise l’aide à nettoyer la plaie et à refaire le pansement mais elle doit aller voir un médecin. Un taxi va venir la chercher.
Je vais prendre ma douche puis je me pose dans le salon, près de la fenêtre. Je profite de quelques instants de tranquillité pour écrire. Dehors, le soleil a refait son apparition et chauffe bien derrière la vitre. Qui l’eut cru… J’attendais tout sauf le soleil aujourd’hui ! Le groupe de français vient me rejoindre. Nous discutons voyages. Puis nous allons diner. Et revenons terminer la soirée dans le salon.
Nous apprenons alors que Sissel ne reviendra pas. C’est donc Carine seule qui guidera le groupe demain. Puis un autre guide DNT devrait nous rejoindre au prochain refuge. On la sent un peu paniqué. Nous, pas plus que cela… Quelle aventure… en deux jours, deux blessés… Le Jotunheimen, ça se mérite !
Dernière discussion entre filles, franche séance de rigolade. Nous allons nous coucher. La journée a été éprouvante, différemment d’hier mais nous avons bien mérité une bonne nuit de repos.
Vraiment, le Jotunheimen : sacrée aventure !