Il est presque 9h quand je me lève. Cette fois, j’avais tiré le rideau devant la fenêtre pour éviter un réveil aux aurores.
Ce matin, nous avons prévu d’aller au nord de l’île, dans la réserve naturelle, pour tenter de voir la chouette harfang. Puis nous irons déjeuner au café près de Houbie. LE café local. Ce sera l’occasion de faire marcher un peu le commerce de cette petite île qui ne cesse de se dépeupler. Après tout ça, si nous avons encore le temps, nous irons faire un tour sur la côte est, du coté de Sandburgh Ness.
Quelqu’un toque à la porte. C’est le gardien du böd. Il vient voir si tout va bien et si nous avons besoin de quelque chose. Il nous confirme aussi que nous ne payerons rien pour la nuit supplémentaire, étant donné que nous aurions dû arriver un jour plus tôt… Il faut savoir que nous avons réservé toutes nos nuits en böd en France et que nous avons payé à l’avance. Je lui dis que nous avons utilisé quelques ‘peat’ (tourbe) pour nous chauffer hier soir et que nous voulons donc payer pour cela. C’est en effet comme cela que ça marche dans les autres böd. Ici, il faut payer le sac entier, 5£. ‘Le sac était ouvert ?’ me demande-t-il. ‘Oui’. ‘Alors c’est qu’il a déjà été payé, vous ne devez rien’. Ah oui ? Bon…
Nous partons en direction de la réserve naturelle. Sur le chemin, nous nous arrêtons au information center pour visiter le petit musée, si c’est ouvert ! Et cette fois, oui, c’est ouvert. Une dame nous accueille et nous explique ce que nous allons y trouver. Nous payons l’entrée et commençons la visite. Nous découvrons l’histoire de cette île qui s’est bien vidée depuis les années 50. Aujourd’hui, il ne reste qu’un peu plus de 80 habitants. 7 enfants à l’école du village. Le médecin vient de l’île de Yell une fois par semaine. Pour les urgences, un avion ambulance emmène les malades à Lerwick. Dans les années 50, beaucoup de personnes sont parties en Australie et en Nouvelle Zélande.
Dans le musée, nous en apprenons aussi un peu plus sur notre böd, Aithbank. Il s’agit d’un ancien bâtiment de l’usine de hareng qui a été construite entre 1770 et 1780. Ce fut aussi la maison de Jamesie Laurenson, une figure de l’île. Un très grand homme, au sens propre comme au sens figuré. Il était conteur et a publié des nouvelles regroupant les histoires que sa mère lui racontait. Nous apprenons aussi qu’une maison viking a été découverte sur l’île, près du café et que d’autres vestiges viking ont eux été découverts près du böd. Et d’autres histoire encore, comme celle de Sir Arthur Nicholson qui avait une maison sur l’île. Il n’y a jamais habité car elle était hantée par les esprits des gens qu’il avait chassés de cette maison.
Après avoir fait le tour des pièces, nous nous arrêtons au petit magasin de ‘local craft’. Et nous reprenons notre route. Il est déjà 12h30. Nous décidons d’aller d’abord manger au café. Notre tour dans la réserve naturelle risque d’être un peu long et le café ferme à 16h… Il est attenant au petit magasin de l’île. Lui n’est ouvert que 2h par jour… Il ne faut pas se louper ! Nous nous installons à une table. Je crois que nous sommes les seuls touristes dans la salle. A la table d’à coté, un groupe de femmes remplit des papiers, des formulaires. Je n’arrive pas à savoir ce que c’est au juste… On dirait une déclaration d’impôt… Dehors, les enfants jouent entre les voitures. Nous prenons chacune un sandwich chaud, sorte de panini, et un thé. Un colaslow maison accompagne notre sandwich et il est dé-li-cieux ! Enfin nous nous laissons tenter par le dessert : pas de scones aujourd’hui mais un succulent moelleux au chocolat ! J’en ai rarement mangé d’aussi bon, les brasseries parisiennes peuvent aller se rhabiller ! Pas trop sucré, pas compact, je ne m’en remets pas.
Au menu, il y avait aussi une soupe maison, ma foi forte appétissante… Au moment de partir, nous décidons d’en prendre à emporter, pour le diner de ce soir. La dame remplit un grand gobelet et le ferme avec un couvercle en plastique. Elle me le tend, je le range dans mon sac, en prenant soin de bien le caler pour éviter que cela ne se renverse. Je le mets quand même dans un sac plastique, avec ma poche d’eau, mieux vaut être prudente… A bien y réfléchir, je ne suis pas certaine que ce soit une bonne idée d’aller faire une randonnée avec un bol de soupe dans le sac à dos…
Pour aller à la réserve naturelle, nous empruntons le chemin qui mène à la piste d’atterrissage de l’île. Arrivées au bout, nous contournons un bâtiment et continuons dans la lande. En ligne de mire, un lac, où nous espérons voir quelques oiseaux, même si nous n’y croyons pas trop. Nous sommes aussi à la recherche d’un cercle de pierre. Il est indiqué sur la carte et des bâtons sont censés marquer le chemin pour y arriver. Ceci dit, nous devons tout de même chercher un peu avant de l’apercevoir enfin. Il faut dire qu’il commence à être bien recouvert par la végétation. On peut facilement passer à coté sans le voir. Je comprends que le chemin jusqu’à lui soit marqué.
Certaines pierres sont de la serpentine aux teintes vertes, que l’on peut voir si on retire un peu le lichen qui les recouvre. Au centre de ce cercle, deux autres pierres. Selon la légende, les deux pierres situées au centre étaient un musicien et sa femme qui jouaient pour un groupe de trolls qui dansaient en cercle. Après avoir dansé toute la nuit, tout le monde a été pétrifié par les premiers rayons du soleil.
Nous continuons ensuite notre route en direction de la côte. Les alentours sont plus rocailleux, il y a des rochers un peu partout sur les collines. Un peu plus loin, une maison en ruine. Je m’arrête et en profite pour vérifier que tout va bien avec la soupe… et tout ne va pas très bien, non. La soupe est trop chaude, le couvercle s’est ramolli et est en train de se casser. Du coup, il y a un peu de soupe dans mon sac et sur ma poche d’eau… Ça ne va pas être pratique pour la suite de la ballade cette histoire ! Je sors ma gore-tex, car non seulement il commence à pleuvoir mais il y a surtout pas mal de vent. J’arrange un peu le reste des affaires qui sont dans mon sac pour caler le gobelet de soupe. Marie-Anne commence à vider sa bouteille d’eau, au cas où on devrait transvaser la soupe dedans… On est prête à sacrifier l’eau de la journée pour la soupe… Finalement, j’arrive à trouver une place et cela devrait faire l’affaire pour la fin de notre ballade.
Nous montons en haut de chaque colline et je reste attentive pour essayer d’apercevoir des traces indiquant la présence de la chouette harfang, à défaut de la voir réellement. Je me dis que, peut-être, elle niche dans les rochers la journée ? Du coup, je scrute chaque trou dans les rochers, chaque petite faille, chaque espace entre deux pierres… mais rien. Nous ne verrons pas de pelote non plus.
A défaut d’observer la chouette harfang, nous profitons de la très belle vue sur les îles de Yell et d’Unst.
Au loin, nous apercevons le ferry qui traverse jusqu Fetlar. Juste avant le port, s’étend une langue de terre reliée à l’île par une petite plage, sur laquelle les ruines de deux maisons nordiques se dressent encore.
Le vent nous fait vite redescendre de notre perchoir. Par contre, les quelques gouttes qui tombaient ont cessé. Nous revenons sur nos pas et décidons de bifurquer en direction du lac de Papil water, en bordure de mer. Nous prenons ainsi une route différente, qui longe la côte sud de l’île. Au croisement de cette route avec la route principale, un mouton observe les alentours du haut de son monticule de terre, alors qu’un panneau indique la direction de l’unique café de l’île.
A proximité du lac, nous cherchons les oiseaux… en vain. C’est clairement trop tard en saison pour les observer. A défaut d’oiseaux, nous croisons des ânes…
De retour au böd, nous nous posons un peu. Je rédige ces quelques lignes dans mon carnet de voyage, j’allume le feu dans la poêle.Je commence aussi à ranger mon sac, en vue du départ tôt demain matin. Au diner, la fameuse soupe… fameuse et savoureuse soupe…
Ce soir, de nouveau, le ciel est magnifique.
Et au loin, le cri d’un oiseau que l’on ne connait pas… Celui de la chouette harfang ??
Photos de la journée
